L'ibadisme, troisième voie de l'islam
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L'ibadisme, troisième voie de l'islam
L'ibadisme, troisième voie de l'islam
Au moment du schisme entre sunnites et chiites au VIIe siècle, une troisième branche de l’islam est née. L'ibadisme en est aujourd'hui le principal héritier. Le Sultanat d’Oman est le refuge de cet islam érudit et raffiné. Reportage dans sa capitale, Mascate.
Les ibadites ne sont ni sunnites ni chiites, bien que leurs pratiques les rapprochent des premiers. Cette branche de l'islam est l'héritière du kharidjisme, un mouvement dissident qui ne souhaitait rejoindre aucun des deux camps après le schisme qui suivit la mort du Prophète en 632. Leur nom est d'ailleurs issu de l'arabe kharaja qui signifie « sortir ». Si certains kharidjites ont fait preuve de violence, seul le mouvement le plus pacifique de cette branche, rapidement retranché dans l'actuel Sultanat d'Oman, a survécu : l'ibadisme. De petites communautés existent en Algérie, en Tunisie et à Zanzibar. Mais aujourd'hui, les ibadites représentent 1% de l'ensemble des musulmans, et Mascate est en quelque sorte la capitale mondiale de ce courant.
Si les Omanais indiquent qu'ils sont « des musulmans », et qu'ils préfèrent souligner ce qui réunit les communautés plutôt que ce qui les éloigne, ils ont adopté un système unique pour désigner leur chef politique et religieux : la tradition veut que les ibadites élisent « le meilleur des musulmans », quelle que soit son origine sociale ou tribale. Autrefois, on appelait ce chef « imam » ; aujourd'hui, on l'appelle « sultan ». Une fois ce chef élu, les descendants du sultan peuvent hériter de son statut, mais les ibadites se réservent la possibilité d'en élire un nouveau par la suite. Plusieurs décennies peuvent d'ailleurs s'écouler sans qu'un imam ne soit désigné, le temps de trouver une personnalité qui fasse consensus.
La capitale de l'imamat n'a pas toujours été Mascate. En attestent les forts de Nizwa, Bahla et Jabreen, précieusement entretenus par les autorités. Jabreen conserve de nombreuses traces de l'imam Bil'arub, qui vivait dans le fort au XVIIe siècle et y fut enterré, à l'endroit qu'il préférait pour prier. Cet imam avait un grand souci de l'éducation religieuse, comme en témoignent la bibliothèque et la madrassa – école coranique – accolée à la mosquée sur le toit de l'édifice. L'éducation est toujours une priorité à Oman, où il est facile de trouver des bibliothèques. En outre, le gouvernement finance les études des enfants de ses citoyens.
Très attachés aux forts, vestiges de leur histoire singulière et dont certains furent les sièges des différents imamats, les Omanais leur apportent beaucoup de soin. Le fort de Bahla, dont certaines parties datent de l'époque pré-islamique, a profité de nombreuses restaurations et est classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1987. Les plafonds en bois peint du fort de Jabreen sont extrêmement bien conservés, et ne sont pas sans rappeler certains plafonds boisés des palais italiens. On trouve les mêmes dans le souk d'Al-Mutrah, à Mascate, parés de guirlandes de fanions à l’effigie du sultan Qabous – actuel dirigeant du pays –, dans un étonnant mélange de tradition et de modernité baigné d’odeurs d’encens.
Ce goût des Omanais pour la culture et l'érudition se manifeste de façon évidente lors de la Conférence annuelle sur la jurisprudence islamique qui se tient dans la capitale et qui rassemble des spécialistes des quatre coins du monde. Les archives, très sécurisées, abritent des livres anciens, en l’état ou restaurés. Des étudiants peuvent ainsi consulter des corans enluminés datant du Moyen Âge, souvent numérisés en raison de leur fragilité. Un prêtre nous confie sa surprise devant le haut niveau théologique des questions qu'on lui a posées sur Jésus et le christianisme dès son arrivée à Mascate. « Cela tranche singulièrement avec les questions vraiment plus concrètes des fidèles de la paroisse », s'amuse-t-il.
Cosmopolitisme
Oman a été islamisé du vivant du Prophète. Le pays était alors organisé en royaume, avec une population sédentaire et qui vivait principalement de la mer. Les Omanais ont, depuis la plus haute antiquité, reçu des étrangers de différentes confessions venus par bateaux, notamment pour commercer dans une forme de mondialisation avant l’heure. Certaines communautés sont installées au Sultanat depuis très longtemps, à l'instar des hindous. Ils ont d'ailleurs participé à l'éviction des colons portugais aux côtés des Omanais au XVIe siècle.
Aujourd'hui encore, différentes communautés religieuses cohabitent au Sultanat. Environ 5% des 2,5 millions d'habitants appartiennent à une minorité religieuse, hindous, sikhs ou chrétiens (majoritairement des catholiques). Le gouvernement a offert à la plupart des minorités des terrains sur lesquels chacun peut bâtir son lieu de culte. Abraham Thomas, de l'église indienne de Saint-Thomas, compte un millier de fidèles dans la région de Mascate. « Principalement des Indiens », précise-t-il. Son voisin, le prêtre anglican Chris Hovitz, originaire d'Angleterre, reçoit quelques centaines de chrétiens, répartis en une soixantaine de congrégations qui comptent « entre 50 et 500 fidèles ». Il prête une partie de ses locaux à une autre communauté réformée depuis qu'une église flambant neuve a été construite il y a deux ans.
Religions et diplomatie
Ce n'est donc sans doute pas un hasard s'il existe un « ministère des Affaires religieuses », une expression générique qui ne distingue pas l'islam des autres cultes et met sur le même plan toutes les confessions. Au sein de ce ministère, Abdulrahman al-Salimi est rédacteur en chef de la revue Al-Tasamoh (Tolérance), qui traite de grandes questions comme la légalité et la légitimité dans l'expérience arabe islamique, la citoyenneté en islam, ou des considérations théoriques concernant la religion et le libéralisme.
« La religion est un espace sans frontières », explique le ministre des Affaires religieuses omanais Abdullah al-Salimi. « Ici, chacun doit pouvoir prier dans de bonnes conditions », indique-t-il. Le ministre souligne d'ailleurs que « l'identité du pays » s’est elle-même construite autour de la cohabitation avec les autres communautés. On comprend qu'il existe, chez les habitants, un attachement fort à leur pays, et à sa capitale Mascate, enclavée entre mer et montagnes dont la couleur varie avec la luminosité.
La diversité et le cosmopolitisme sont une évidence au Sultanat. Ses habitants, historiquement des marins, y sont habitués. L'ouverture aux cultures du monde est particulièrement visible à la grande mosquée du sultan Qabous. Dans cet immense lieu de culte, dont l'extérieur est très sobre, les portes en bois précieux, délicatement sculptées, proviennent d'Inde et l'épais tapis de prière orange de la salle réservée aux femmes fut importé d'Écosse. L'espace des hommes arbore le plus grand tapis persan d'une seule pièce au monde et l'immense lustre est composé de cristaux du bijoutier européen Swarovski. À l'extérieur, le long de coursives, des arabesques et motifs ornementaux de tous les pays sont exposés dans des niches : du style moghol à celui du Maghreb, en passant par les influences byzantines et mésopotamiennes. Un tour du monde coloré de l'art et de l'architecture islamiques, explicité par des panneaux rédigés en anglais. La promenade débouche sur un jardin, lieu indispensable pour se rafraîchir de la chaleur moite qui sévit dans la région.
Cette ouverture aux différentes cultures contribue sans doute également à la réputation de la diplomatie omanaise. Oman entretient globalement de bonnes relations avec la plupart des pays et a accueilli, en 2013, les négociations préliminaires entre les représentants des États-Unis et de l’Iran. La France a également salué l'intervention du Sultanat lors de la libération d'Isabelle Prime, otage française retenue quelques mois au Yémen en 2015 où elle travaillait. Cette diplomatie discrète et efficace montre à la fois la vigilance des Omanais face aux situations parfois instables des pays voisins – en particulier le Yémen –, mais aussi sa capacité de médiation dans la région. Certains y voient le témoignage de l'esprit rassembleur typiquement ibadite.
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Au moment du schisme entre sunnites et chiites au VIIe siècle, une troisième branche de l’islam est née. L'ibadisme en est aujourd'hui le principal héritier. Le Sultanat d’Oman est le refuge de cet islam érudit et raffiné. Reportage dans sa capitale, Mascate.
Les ibadites ne sont ni sunnites ni chiites, bien que leurs pratiques les rapprochent des premiers. Cette branche de l'islam est l'héritière du kharidjisme, un mouvement dissident qui ne souhaitait rejoindre aucun des deux camps après le schisme qui suivit la mort du Prophète en 632. Leur nom est d'ailleurs issu de l'arabe kharaja qui signifie « sortir ». Si certains kharidjites ont fait preuve de violence, seul le mouvement le plus pacifique de cette branche, rapidement retranché dans l'actuel Sultanat d'Oman, a survécu : l'ibadisme. De petites communautés existent en Algérie, en Tunisie et à Zanzibar. Mais aujourd'hui, les ibadites représentent 1% de l'ensemble des musulmans, et Mascate est en quelque sorte la capitale mondiale de ce courant.
Si les Omanais indiquent qu'ils sont « des musulmans », et qu'ils préfèrent souligner ce qui réunit les communautés plutôt que ce qui les éloigne, ils ont adopté un système unique pour désigner leur chef politique et religieux : la tradition veut que les ibadites élisent « le meilleur des musulmans », quelle que soit son origine sociale ou tribale. Autrefois, on appelait ce chef « imam » ; aujourd'hui, on l'appelle « sultan ». Une fois ce chef élu, les descendants du sultan peuvent hériter de son statut, mais les ibadites se réservent la possibilité d'en élire un nouveau par la suite. Plusieurs décennies peuvent d'ailleurs s'écouler sans qu'un imam ne soit désigné, le temps de trouver une personnalité qui fasse consensus.
La capitale de l'imamat n'a pas toujours été Mascate. En attestent les forts de Nizwa, Bahla et Jabreen, précieusement entretenus par les autorités. Jabreen conserve de nombreuses traces de l'imam Bil'arub, qui vivait dans le fort au XVIIe siècle et y fut enterré, à l'endroit qu'il préférait pour prier. Cet imam avait un grand souci de l'éducation religieuse, comme en témoignent la bibliothèque et la madrassa – école coranique – accolée à la mosquée sur le toit de l'édifice. L'éducation est toujours une priorité à Oman, où il est facile de trouver des bibliothèques. En outre, le gouvernement finance les études des enfants de ses citoyens.
Très attachés aux forts, vestiges de leur histoire singulière et dont certains furent les sièges des différents imamats, les Omanais leur apportent beaucoup de soin. Le fort de Bahla, dont certaines parties datent de l'époque pré-islamique, a profité de nombreuses restaurations et est classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1987. Les plafonds en bois peint du fort de Jabreen sont extrêmement bien conservés, et ne sont pas sans rappeler certains plafonds boisés des palais italiens. On trouve les mêmes dans le souk d'Al-Mutrah, à Mascate, parés de guirlandes de fanions à l’effigie du sultan Qabous – actuel dirigeant du pays –, dans un étonnant mélange de tradition et de modernité baigné d’odeurs d’encens.
Ce goût des Omanais pour la culture et l'érudition se manifeste de façon évidente lors de la Conférence annuelle sur la jurisprudence islamique qui se tient dans la capitale et qui rassemble des spécialistes des quatre coins du monde. Les archives, très sécurisées, abritent des livres anciens, en l’état ou restaurés. Des étudiants peuvent ainsi consulter des corans enluminés datant du Moyen Âge, souvent numérisés en raison de leur fragilité. Un prêtre nous confie sa surprise devant le haut niveau théologique des questions qu'on lui a posées sur Jésus et le christianisme dès son arrivée à Mascate. « Cela tranche singulièrement avec les questions vraiment plus concrètes des fidèles de la paroisse », s'amuse-t-il.
Cosmopolitisme
Oman a été islamisé du vivant du Prophète. Le pays était alors organisé en royaume, avec une population sédentaire et qui vivait principalement de la mer. Les Omanais ont, depuis la plus haute antiquité, reçu des étrangers de différentes confessions venus par bateaux, notamment pour commercer dans une forme de mondialisation avant l’heure. Certaines communautés sont installées au Sultanat depuis très longtemps, à l'instar des hindous. Ils ont d'ailleurs participé à l'éviction des colons portugais aux côtés des Omanais au XVIe siècle.
Aujourd'hui encore, différentes communautés religieuses cohabitent au Sultanat. Environ 5% des 2,5 millions d'habitants appartiennent à une minorité religieuse, hindous, sikhs ou chrétiens (majoritairement des catholiques). Le gouvernement a offert à la plupart des minorités des terrains sur lesquels chacun peut bâtir son lieu de culte. Abraham Thomas, de l'église indienne de Saint-Thomas, compte un millier de fidèles dans la région de Mascate. « Principalement des Indiens », précise-t-il. Son voisin, le prêtre anglican Chris Hovitz, originaire d'Angleterre, reçoit quelques centaines de chrétiens, répartis en une soixantaine de congrégations qui comptent « entre 50 et 500 fidèles ». Il prête une partie de ses locaux à une autre communauté réformée depuis qu'une église flambant neuve a été construite il y a deux ans.
Religions et diplomatie
Ce n'est donc sans doute pas un hasard s'il existe un « ministère des Affaires religieuses », une expression générique qui ne distingue pas l'islam des autres cultes et met sur le même plan toutes les confessions. Au sein de ce ministère, Abdulrahman al-Salimi est rédacteur en chef de la revue Al-Tasamoh (Tolérance), qui traite de grandes questions comme la légalité et la légitimité dans l'expérience arabe islamique, la citoyenneté en islam, ou des considérations théoriques concernant la religion et le libéralisme.
« La religion est un espace sans frontières », explique le ministre des Affaires religieuses omanais Abdullah al-Salimi. « Ici, chacun doit pouvoir prier dans de bonnes conditions », indique-t-il. Le ministre souligne d'ailleurs que « l'identité du pays » s’est elle-même construite autour de la cohabitation avec les autres communautés. On comprend qu'il existe, chez les habitants, un attachement fort à leur pays, et à sa capitale Mascate, enclavée entre mer et montagnes dont la couleur varie avec la luminosité.
La diversité et le cosmopolitisme sont une évidence au Sultanat. Ses habitants, historiquement des marins, y sont habitués. L'ouverture aux cultures du monde est particulièrement visible à la grande mosquée du sultan Qabous. Dans cet immense lieu de culte, dont l'extérieur est très sobre, les portes en bois précieux, délicatement sculptées, proviennent d'Inde et l'épais tapis de prière orange de la salle réservée aux femmes fut importé d'Écosse. L'espace des hommes arbore le plus grand tapis persan d'une seule pièce au monde et l'immense lustre est composé de cristaux du bijoutier européen Swarovski. À l'extérieur, le long de coursives, des arabesques et motifs ornementaux de tous les pays sont exposés dans des niches : du style moghol à celui du Maghreb, en passant par les influences byzantines et mésopotamiennes. Un tour du monde coloré de l'art et de l'architecture islamiques, explicité par des panneaux rédigés en anglais. La promenade débouche sur un jardin, lieu indispensable pour se rafraîchir de la chaleur moite qui sévit dans la région.
Cette ouverture aux différentes cultures contribue sans doute également à la réputation de la diplomatie omanaise. Oman entretient globalement de bonnes relations avec la plupart des pays et a accueilli, en 2013, les négociations préliminaires entre les représentants des États-Unis et de l’Iran. La France a également salué l'intervention du Sultanat lors de la libération d'Isabelle Prime, otage française retenue quelques mois au Yémen en 2015 où elle travaillait. Cette diplomatie discrète et efficace montre à la fois la vigilance des Omanais face aux situations parfois instables des pays voisins – en particulier le Yémen –, mais aussi sa capacité de médiation dans la région. Certains y voient le témoignage de l'esprit rassembleur typiquement ibadite.
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