Les dessous de la nouvelle traduction du Missel
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Les dessous de la nouvelle traduction du Missel
Les dessous de la nouvelle traduction du Missel
propos recueillis par Ruggero Gambacurta-Scopello - publié le 29/01/2014
Que ce soit en France, ou dans toute la francophonie, du Canada aux pays africains, en passant par les Caraïbes ou les Églises françaises d’Outre-mer, le texte liturgique utilisé pendant la messe et les diverses célébrations est identique. Et pour cause : il s’agit de la même traduction, rénovée en ce moment-même, pour la première fois depuis 50 ans. Nous avons rencontré l'un de ses traducteurs, qui a préféré garder l’anonymat. Entretien
Qu’est-ce que le missel ? Y-a-t-il différents missels ?
Le missel est un livre qui contient tous les textes nécessaires à la célébration de la messe. Plusieurs types de missels existent : le missel ordinaire pour le déroulement des messes habituelles, le temporal pour les messes des différents temps de l'année liturgique (temps de l'avent et de Noël, carême et temps pascal) et le sanctoral pour les fêtes des saints et les circonstances particulières de la vie (mariage, funérailles,...).
Il existe également différents formats de missel. Pour les célébrations liturgiques, le missel d'autel, dont se sert le célébrant, est de grand format alors que le missel paroissien, de plus petite taille, est destiné aux fidèles. Les textes pour ces deux formats sont identiques : ce sont les textes officiels en traduction française approuvés par la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements - l’un des dicastères (ministères) de la Curie romaine. Il existe aussi des missels, à l’intention des fidèles laïcs, qui combinent les textes du missel proprement dit à ceux du lectionnaire, ainsi que des commentaires variés.
D’où viennent les textes du missel ?
Si l’on excepte les commentaires et les compléments divers que comportent les missels à l’intention des laïcs, tous les textes contenus dans le missel en français ont la même origine : ce sont des traductions officiellement approuvées par la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, de l’original latin intitulé Missale romanum, dans son édition la plus récente, c’est-à-dire la troisième, qui date de 2008. Ce Missale romanum a été promulgué en 1965 à la suite du concile Vatican II (1962-1965) et a remplacé le missel, qui portait aussi le titre Missale romanum, promulgué, quant à lui, à la suite au concile de Trente, en 1570.
Le Missel actuel est donc une traduction française du Missale romanum de Vatican II. La traduction en usage aujourd'hui dans les pays francophones remonte à 1965. Or, en 2001, par l’instruction du (« De l’usage des langues vernaculaires dans l’édition des livres de la liturgie romaine »), la Congrégation a demandé qu’une nouvelle traduction du Missel soit faite dans toutes les langues majeures du monde catholique romain de rite latin. Pour le domaine francophone, la Commission épiscopale francophone pour les traductions liturgiques (CEFTL) a constitué une Commission du Missel romain (COMIRO) composée de sept spécialistes afin de procéder à une nouvelle traduction française intégrale du Missel romain. La COMIRO a commencé ses travaux en septembre 2007 et elle prévoit de les terminer au cours de l’année 2014.
Depuis quand a-t-on des missels ?
Les textes du missel remontent au IVe siècle. À l’époque, le texte n’était pas établi internationalement. Ce sont les principales Églises qui commencèrent à constituer des textes de messe avec des commentaires ; ce que firent, par exemple, les papes Léon Ier (440-461), Gélase Ier (492 à 496) et Grégoire le Grand (590-604).
Avant Vatican II, il existait un missel en latin, promulgué suite au Concile de Trente (1545-1563). Après Vatican II, il fallut traduire officiellement, en langue vernaculaire, les missels. Mais il existait déjà des traductions et des éditions bilingues destinées aux fidèles qui ne lisaient pas le latin : on écoutait la messe en latin, mais on la lisait en français, en espagnol, ou en portugais…
La version latine a constitué le missel officiel jusqu’à Vatican II. Benoît XVI lui a redonné son officialité pour les rites extraordinaires, sans doute pour amadouer les Lefebvristes, mais c’est une autre histoire…
Et maintenant ?
Si chaque pays a aujourd'hui plusieurs missels, le texte d’origine, en latin, est le même. Pour ce texte latin, il n’y a qu’une seule traduction officielle en langue vernaculaire : une en français, une en anglais, une en polonais, et ainsi de suite… Cette traduction doit être approuvée par la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements.
Comment se passe le travail de traduction ?
De façon générale, nous traduisons, puis nous demandons au Vatican d’approuver. Si le Vatican approuve, tant mieux, et s'il fait des remarques, on y remédie. Les traductions sont élaborées et sont ensuite soumises, pour approbation, à la fois la Congrégation et aux évêques des différents pays francophones. Il en résulte un va-et-vient entre la commission des traducteurs, la Congrégation et les évêques pour aboutir à un texte qui fasse consensus.
La Commission des traducteurs travaille bien sûr à partir du texte latin officiel (seul point de référence) mais en considérant aussi la traduction française existante et une traduction littérale du Missale romanum établie par une équipe canadienne de traducteurs.
Dans notre équipe, chacun a un ordinateur avec le texte latin à traduire, le texte de Vatican II en langue vernaculaire, et le texte auquel on aboutit. On discute sur les façons de traduire, parfois on lit ou on chante à haute voix pour mieux se rendre compte du résultat, et si l’on ne parvient pas à se mettre d’accord - parfois après une heure de débats - on indique un petit signe « $ » dans la marge. Nous avons une secrétaire qui écrit au fur et à mesure les propositions, et c’est en fait la seule à avoir un clavier !
Nous travaillons depuis 5 ans à la traduction du missel, entreprise qui n’avait pas été menée depuis 50 ans. Chaque ensemble de langue a ses traducteurs ; en tant que francophones, nous traduisons un missel qui servira dans toute la francophonie (France, Belgique, Luxembourg, Afrique, Maghreb, Québec) pendant les 50 prochaines années.
Les membres de la commission des traducteurs doivent être fidèles au texte latin original, mais ils doivent aussi tenir compte des contraintes propres à la langue française et au fait que la traduction devra être utilisée pour la proclamation publique, et éventuellement pour le chant. Ils doivent aussi tenir compte des sensibilités langagières propres à chacun des pays de la francophonie.
Certains textes du Missel de Vatican II remontent au IVe siècle : ils ont donc été écrits dans un latin rhétorique, très orné et très difficile à traduire sans que cela soit ridicule.
Nous sommes là aussi pour vérifier que la traduction soit adaptée au français parlé dans des pays, qui ne sont pas toujours la France : nous sommes une commission internationale, avec des Français, un Belge, un Canadien... Malheureusement, il n’y a pas d’Africain, mais tous les évêques francophones africains participent car nous leur envoyons nos traductions, qu’ils annotent et qu'ils critiquent. C’est à eux que nous demandons approbation avant d’envoyer le texte à Rome sur CD. Nous avons reçu 1000 demandes d’amendements pour 1400 pages de latin.
Comment est constituée cette commission de traducteurs ?
Les évêques de chaque pays proposent des noms au Vatican. En général on cherche des religieux qui soient aussi reconnus comme des érudits et des scientifiques. On fait aussi appel à des latinistes laïques.
C’est un honneur d’être sélectionné ?
C’est un honneur scientifique et religieux de traduire le Missel. Nous sommes payés au SMIC/heure et nos frais sont pris en charge (avion, logement) par la Commission épiscopale francophone pour les traductions liturgiques (CEFTL). Cette commission est celle qui reçoit les droits d’auteurs : si tel éditeur veut publier un missel autorisé pour la messe, il doit acheter la traduction auprès de la Commission. Cet argent sert ensuite au fonctionnement de la Commission et au financement d’autres projets de traductions, comme celui des livres des rituels – ouvrages qui expliquent comment célébrer les mariages, les baptêmes etc.
Allez-vous signer la traduction du missel ?
Non. Personne ne sera cité. C’est anonyme, comme si la traduction était « tombée du ciel ». C’est quand même intéressant de dire qu’on élabore des traductions sur lesquelles on a une autorité réelle.
propos recueillis par Ruggero Gambacurta-Scopello - publié le 29/01/2014
Que ce soit en France, ou dans toute la francophonie, du Canada aux pays africains, en passant par les Caraïbes ou les Églises françaises d’Outre-mer, le texte liturgique utilisé pendant la messe et les diverses célébrations est identique. Et pour cause : il s’agit de la même traduction, rénovée en ce moment-même, pour la première fois depuis 50 ans. Nous avons rencontré l'un de ses traducteurs, qui a préféré garder l’anonymat. Entretien
Qu’est-ce que le missel ? Y-a-t-il différents missels ?
Le missel est un livre qui contient tous les textes nécessaires à la célébration de la messe. Plusieurs types de missels existent : le missel ordinaire pour le déroulement des messes habituelles, le temporal pour les messes des différents temps de l'année liturgique (temps de l'avent et de Noël, carême et temps pascal) et le sanctoral pour les fêtes des saints et les circonstances particulières de la vie (mariage, funérailles,...).
Il existe également différents formats de missel. Pour les célébrations liturgiques, le missel d'autel, dont se sert le célébrant, est de grand format alors que le missel paroissien, de plus petite taille, est destiné aux fidèles. Les textes pour ces deux formats sont identiques : ce sont les textes officiels en traduction française approuvés par la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements - l’un des dicastères (ministères) de la Curie romaine. Il existe aussi des missels, à l’intention des fidèles laïcs, qui combinent les textes du missel proprement dit à ceux du lectionnaire, ainsi que des commentaires variés.
D’où viennent les textes du missel ?
Si l’on excepte les commentaires et les compléments divers que comportent les missels à l’intention des laïcs, tous les textes contenus dans le missel en français ont la même origine : ce sont des traductions officiellement approuvées par la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, de l’original latin intitulé Missale romanum, dans son édition la plus récente, c’est-à-dire la troisième, qui date de 2008. Ce Missale romanum a été promulgué en 1965 à la suite du concile Vatican II (1962-1965) et a remplacé le missel, qui portait aussi le titre Missale romanum, promulgué, quant à lui, à la suite au concile de Trente, en 1570.
Le Missel actuel est donc une traduction française du Missale romanum de Vatican II. La traduction en usage aujourd'hui dans les pays francophones remonte à 1965. Or, en 2001, par l’instruction du (« De l’usage des langues vernaculaires dans l’édition des livres de la liturgie romaine »), la Congrégation a demandé qu’une nouvelle traduction du Missel soit faite dans toutes les langues majeures du monde catholique romain de rite latin. Pour le domaine francophone, la Commission épiscopale francophone pour les traductions liturgiques (CEFTL) a constitué une Commission du Missel romain (COMIRO) composée de sept spécialistes afin de procéder à une nouvelle traduction française intégrale du Missel romain. La COMIRO a commencé ses travaux en septembre 2007 et elle prévoit de les terminer au cours de l’année 2014.
Depuis quand a-t-on des missels ?
Les textes du missel remontent au IVe siècle. À l’époque, le texte n’était pas établi internationalement. Ce sont les principales Églises qui commencèrent à constituer des textes de messe avec des commentaires ; ce que firent, par exemple, les papes Léon Ier (440-461), Gélase Ier (492 à 496) et Grégoire le Grand (590-604).
Avant Vatican II, il existait un missel en latin, promulgué suite au Concile de Trente (1545-1563). Après Vatican II, il fallut traduire officiellement, en langue vernaculaire, les missels. Mais il existait déjà des traductions et des éditions bilingues destinées aux fidèles qui ne lisaient pas le latin : on écoutait la messe en latin, mais on la lisait en français, en espagnol, ou en portugais…
La version latine a constitué le missel officiel jusqu’à Vatican II. Benoît XVI lui a redonné son officialité pour les rites extraordinaires, sans doute pour amadouer les Lefebvristes, mais c’est une autre histoire…
Et maintenant ?
Si chaque pays a aujourd'hui plusieurs missels, le texte d’origine, en latin, est le même. Pour ce texte latin, il n’y a qu’une seule traduction officielle en langue vernaculaire : une en français, une en anglais, une en polonais, et ainsi de suite… Cette traduction doit être approuvée par la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements.
Comment se passe le travail de traduction ?
De façon générale, nous traduisons, puis nous demandons au Vatican d’approuver. Si le Vatican approuve, tant mieux, et s'il fait des remarques, on y remédie. Les traductions sont élaborées et sont ensuite soumises, pour approbation, à la fois la Congrégation et aux évêques des différents pays francophones. Il en résulte un va-et-vient entre la commission des traducteurs, la Congrégation et les évêques pour aboutir à un texte qui fasse consensus.
La Commission des traducteurs travaille bien sûr à partir du texte latin officiel (seul point de référence) mais en considérant aussi la traduction française existante et une traduction littérale du Missale romanum établie par une équipe canadienne de traducteurs.
Dans notre équipe, chacun a un ordinateur avec le texte latin à traduire, le texte de Vatican II en langue vernaculaire, et le texte auquel on aboutit. On discute sur les façons de traduire, parfois on lit ou on chante à haute voix pour mieux se rendre compte du résultat, et si l’on ne parvient pas à se mettre d’accord - parfois après une heure de débats - on indique un petit signe « $ » dans la marge. Nous avons une secrétaire qui écrit au fur et à mesure les propositions, et c’est en fait la seule à avoir un clavier !
Nous travaillons depuis 5 ans à la traduction du missel, entreprise qui n’avait pas été menée depuis 50 ans. Chaque ensemble de langue a ses traducteurs ; en tant que francophones, nous traduisons un missel qui servira dans toute la francophonie (France, Belgique, Luxembourg, Afrique, Maghreb, Québec) pendant les 50 prochaines années.
Les membres de la commission des traducteurs doivent être fidèles au texte latin original, mais ils doivent aussi tenir compte des contraintes propres à la langue française et au fait que la traduction devra être utilisée pour la proclamation publique, et éventuellement pour le chant. Ils doivent aussi tenir compte des sensibilités langagières propres à chacun des pays de la francophonie.
Certains textes du Missel de Vatican II remontent au IVe siècle : ils ont donc été écrits dans un latin rhétorique, très orné et très difficile à traduire sans que cela soit ridicule.
Nous sommes là aussi pour vérifier que la traduction soit adaptée au français parlé dans des pays, qui ne sont pas toujours la France : nous sommes une commission internationale, avec des Français, un Belge, un Canadien... Malheureusement, il n’y a pas d’Africain, mais tous les évêques francophones africains participent car nous leur envoyons nos traductions, qu’ils annotent et qu'ils critiquent. C’est à eux que nous demandons approbation avant d’envoyer le texte à Rome sur CD. Nous avons reçu 1000 demandes d’amendements pour 1400 pages de latin.
Comment est constituée cette commission de traducteurs ?
Les évêques de chaque pays proposent des noms au Vatican. En général on cherche des religieux qui soient aussi reconnus comme des érudits et des scientifiques. On fait aussi appel à des latinistes laïques.
C’est un honneur d’être sélectionné ?
C’est un honneur scientifique et religieux de traduire le Missel. Nous sommes payés au SMIC/heure et nos frais sont pris en charge (avion, logement) par la Commission épiscopale francophone pour les traductions liturgiques (CEFTL). Cette commission est celle qui reçoit les droits d’auteurs : si tel éditeur veut publier un missel autorisé pour la messe, il doit acheter la traduction auprès de la Commission. Cet argent sert ensuite au fonctionnement de la Commission et au financement d’autres projets de traductions, comme celui des livres des rituels – ouvrages qui expliquent comment célébrer les mariages, les baptêmes etc.
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